Du cœur de Paris aux zones de guerre syriennes, trois femmes françaises sont condamnées pour avoir rejoint l’État islamique. Derrière ces verdicts, ce sont des parcours familiaux, des enfants et des vies brisées qui surgissent, rappelant que le terrorisme n’épargne personne et que la justice frappe même au sein des clans.
Le procès des femmes Clain s’ouvre à Paris
Christine Allain, Jennyfer Clain et Mayalen Duhart sont toutes liées au clan des frères Clain, Jean-Michel et Fabien, morts en Syrie en février 2019. Ces trois femmes avaient rejoint la Syrie à des périodes différentes et leur retour en France en 2019 a déclenché une enquête sur leur rôle exact au sein de l’État islamique (EI) et sur leur responsabilité pénale dans les activités de cette organisation terroriste. Le procès visait à déterminer si elles avaient activement participé aux actions de l’EI, directement ou en soutenant l’organisation, et à mesurer les conséquences de leurs engagements, notamment sur leurs enfants, parties civiles et placés en familles d’accueil.
Jennyfer Clain, 34 ans, nièce des frères Clain, a été jugée pour appartenance à l’EI et abandon de mineurs. Christine Allain, 67 ans, belle-mère du clan, était poursuivie pour appartenance à l’organisation terroriste. Mayalen Duhart, 42 ans, en liberté conditionnelle depuis deux ans, devait répondre des mêmes chefs d’accusation.
Durant les onze jours d’audience, la cour a entendu les accusées, leurs avocats et le Parquet national antiterroriste (PNAT). Jennyfer Clain a présenté ses excuses aux victimes directes et indirectes : « Je ne leur demande pas de me pardonner, c’est impardonnable, mais je leur présente mes plus profondes et sincères excuses ». Christine Allain, tout en évoquant son ressenti personnel, a reconnu avoir été touchée par sa rencontre avec Georges Salines, père de Lola, victime du Bataclan. Mayalen Duhart a assumé sa responsabilité : “Je ne suis pas une victime, les victimes c’est les autres, c’est ceux que l’organisation à qui j’ai appartenu a torturés, massacrés : je suis responsable”.
Punir les mères, protéger les enfants : le dilemme au cœur du procès
Les condamnations prononcées ce 26 septembre traduisent la sévérité de la justice française face aux participations féminines au terrorisme : Jennyfer Clain écope de 11 ans de réclusion, Christine Allain de 13 ans avec sûreté aux deux tiers, et Mayalen Duhart de 10 ans avec mandat de dépôt différé. Chacune devra également suivre un suivi socio-judiciaire de huit ans. Ces décisions envoient un message clair : l’implication au sein de l’État islamique, qu’elle soit directe ou indirecte, masculine ou féminine, n’épargne personne.
Mais le procès dépasse le simple cadre pénal. Les enfants des accusées, souvent spectateurs involontaires des parcours djihadistes de leurs mères, ont été placés en familles d’accueil et restent au cœur des débats. La justice est confrontée à un dilemme : comment concilier sanction des mères et protection des enfants, en leur offrant un encadrement éducatif suffisant pour reconstruire leur vie ?
Enfin, cette affaire met en lumière un angle longtemps négligé : la place et le rôle des femmes dans les filières djihadistes. Leur participation n’est plus sous-estimée, et la France affirme que leur responsabilité peut être jugée au même titre que celle des hommes. Entre rigueur judiciaire et enjeux sociaux, le procès illustre toute la complexité de la lutte contre le terrorisme et les choix difficiles auxquels la justice doit faire face pour conjuguer responsabilité pénale et protection des mineurs.
Excuses tardives, colère persistante
L’affaire n’a pas laissé indifférent. Dans les médias comme sur les réseaux sociaux, le verdict a enflammé les débats. D’un côté, certains saluent la fermeté de la cour, convaincus qu’aucune indulgence n’est possible face au terrorisme. De l’autre, des voix s’interrogent sur la difficulté de juger des femmes dont la radicalisation s’est souvent nouée dans un cadre familial, mêlant soumission, emprise et maternité.
À la sortie de l’audience, l’avocat de Jennyfer Clain, Me Guillaume Halbique, a parlé d’une décision « équilibrée », annonçant que sa cliente n’avait pas l’intention de faire appel. Le Parquet national antiterroriste (PNAT), lui, avait requis des peines lourdes – 13 ans pour Jennyfer Clain, 15 ans pour Christine Allain et 10 ans pour Mayalen Duhart – rappelant que la sévérité reste un outil de prévention et de dissuasion.
Mais pour les parties civiles, les excuses formulées par les accusées en fin de procès sont arrivées trop tard, trop faibles. Les familles de victimes, encore marquées par le souvenir des attentats, ont insisté sur la nécessité d’une reconnaissance pleine et entière des faits et de leurs conséquences, en France comme dans les zones meurtries par l’État islamique.
Le verdict clôt le procès des trois femmes de l’EI, mais laisse ouvertes des questions fondamentales : quelle responsabilité pour les femmes dans les filières terroristes ? Comment gérer la réinsertion des enfants ? La décision de la cour envoie un signal fort sur la fermeté de la justice, tout en rappelant que la prévention et l’accompagnement restent essentiels. Un procès pourrait servir de référence pour les affaires futures et alimenter le débat national sur le terrorisme.